Delta Trading Mogador

Artisanat du bois de thuya

La sculpture du bois est un art très présent dans le paysage de l’artisanat marocain, c’est d’ailleurs le seul artisanat créatif qu’on trouve uniquement au Maroc. La principale matière première de cet artisanat est le bois. Cependant, il existe différents types de bois : Acajou, Chêne, Cèdre, Acacia, buis, Bois rouge, Euroukou, Palissandre, Beauderie, Ecossais, Noyais, Lettre, Jujubier rouge et racine de thuya. Chaque essence a une caractéristique particulière qui la distingue des autres et chaque essence est destinée à un usage spécifique. Le plus utilisée étant le cèdre, grâce à l’abondance des arbres de cèdre dans les forêts des régions du Moyen Atlas, le travail du bois a prospéré comme un artisanat riche et traditionnel, notamment dans les villes de Fès, Marrakech, Essaouira, Tétouan et Meknès.
L’artisanat du bois est présent au Maroc sous deux formes, le travail traditionnel du bois et celui plus moderne. Nous aborderons ici les deux catégories.

Histoire de l'artisanat du bois

travail du bois

Le bois est un élément utilisé depuis l’antiquité par les Marocains. Nous le retrouvons dans les décors des maisons à partir de l’époque des « Adarissa » au VIIe siècle. Il était souvent utilisé pour construire des mosquées, des monuments, des maisons, des palais, des Riad et des bâtiments. Le génie des artisans marocains a transformé de simples pièces de bois en un véritable chef-d’œuvre, d’une beauté et une inventivité précoce pour l’époque.

Par contre, le travail du bois n’a atteint son apogée qu’à partir du XIIIe siècle, avec la dynastie des Mérinides (XIIIe — XVe siècle), comme en témoigne encore la ville de Fès avec ses magnifiques et fastueuses demeures. Les stucs, zelliges et bois étaient souvent employés dans les maisons des riches et hauts placés, les palais et les Riad pour donner un aspect raffiné et original aux demeures. À cette époque, la sculpture du bois était rehaussée de pointure et utilisée pour recouvrir la partie haute des murs d’édifices. Les vestiges de ce travail peuvent être admirés à la mosquée Karaouiyne ou aux différentes médersas de la ville de Fès. La prospérité économique et les nombreux exploits civiques ont aidé à la grande prospérité de cet artisanat jusqu’au XVe siècle.

Aujourd’hui, les artisans travaillent toujours des bois nobles comme le cèdre, notamment dans la région d’Azrou. La racine de thuya fournie par les forêts du Moyen Atlas est exploitée vers le sud du pays.

La menuiserie

L’art de la menuiserie regroupe tout ce qui touche de près ou de loin au bois, qu’il soit naturel ou manufacturé. C’est le travail réalisé en sciant le bois et en lui donnant une forme conforme à la demande des clients. C’est un art qui demande de la patience et la précision. Grâce à la présence de différents types d’arbres tels que le riz, le pin, le hêtre et l’olivier, le Maroc se distingue par la présence de différents types de menuiserie.
Les objets produits sont : l’ameublement de maison ou des objets de décoration tels que des tables, des divans, des coffres, des portes, des fenêtres, des petites armoires… les motifs en bois reflètent la culture, l’histoire et les traditions des marocains. On distingue plusieurs spécialités :
La fabrication de meubles de maison et de bureau : Elle concerne la fabrication de meubles pour les chambres, le salon, la salle à manger, les chaises, les bureaux, les bibliothèques et d’autres meubles internes pour les maisons et les bureaux.
La fabrication de mobilier d’extérieur : C’est la fabrication de chaises et de tables en bambou, que l’on trouve dans les clubs et les jardins.
La menuiserie spécialisée en portes et fenêtres.
La spécialisation dans les antiquités et décorations en bois de haute précision.
Menuiserie de bâtiment : elle est de moins en moins présente, mais à l’époque, la menuiserie participait aux travaux de construction pour poser les fondations de bâtiments tels que les escaliers, les toits.

Sculpture du bois

Une fois la menuiserie est réalisée et le bois a pris la forme voulue, on peut passer à l’étape suivante, celle de la sculpture. Plusieurs dessins et motifs existent pour satisfaire tous les gouts. Les dessins réalisés aujourd’hui dans la sculpture du bois au Maroc remontent aux Almoravides et au règne des Mérinides. Les motifs sont empruntés aux ornements de l’Andalousie. Tout objet de menuiserie peut être sculpté, des meubles, des portes, des objets de décoration….
Le bois est soigneusement sculpté en combinant toujours des formes d’origine végétale telles que des palmettes, des feuilles d’arbres, une combinaison de l’éclat d’une pomme de pin, un parchemin feuillu. Des formes géométriques, telles que des treillis droits, des mâts et des étoiles et parfois de la calligraphie, en particulier les vers coraniques. Les ornements peuvent être des lignes horizontales, diagonales ou verticales, des cubes, des rectangles, des triangles, des losanges, des arcs, des piliers, des étoiles, des points et des damiers.

Moucharabieh

Une autre forme de sculpture sur bois est ce que l’on appelle l’art de Moucharabieh ou « Musharabia ». Elle remonte au XIVe siècle, à l’époque de la dynastie « omeyyade » et dérivé de la chaire de la mosquée andalouse. Cependant, le moucharabieh est devenu plus courant dans la ville de Fès à l’époque des Mérinides. À l’époque, on l’appelait « Darbuz », mais aujourd’hui ce mot est de moins en moins utilisé. Sa principale utilité est celle de séparer deux pièces adjacentes ou comme barrière séparant la partie supérieure des maisons de l’espace de la cour. Il se présente sous la forme de fenêtres décorées et cloutées constituées de grilles en bois avec des anneaux adjacents et réguliers.

Le moucharabieh est caractérisé par une surface géométrique composée de nombreuses ouvertures en forme d’étoiles et de diagonales. Pour réaliser le « moucharabieh », l’artisan « maallem » doit inclure, outre le cèdre, un autre type de bois qui a une couleur différente de celle du cèdre. Il peut s’agir soit d’acacia, d’acajou ou de bois rouge, soit de bois blanc (ivoire). Ce contraste de couleurs vise à rendre plus perceptibles les couleurs des différents motifs.

Nous retrouvons les motifs moucharabieh sur des anciennes fenêtres, le motif est souvent en forme de bois cubiques. Cependant, au cours des XIXe et XXe siècles, ce motif en bois a été progressivement remplacé par des fenêtres en fer dans l’architecture de Fès, puisqu’elles étaient moins chères, plus solides et plus faciles à faire.

La peinture sur bois

La peinture sur bois ou le « zouak » est un art très populaire à Fès. La peinture est appliquée sur du bois déjà sculpté. Le charpentier peintre utilise des ingrédients à base d’éléments minéraux, végétaux et parfois de poudres chimiques pour réaliser la peinture. Les poudres sont de couleurs multiples : bleue, rouge, jaune, noire… elles sont ensuite mélangées au jaune d’œuf, de la peau de bovins abîmée, de l’albumine ou avec des feuilles d’or. L’artisan applique ce mélange sur le meuble sculpté et une fois sec, il rajoute une couche de vernis et une substance cuite faite d’huile, de safran, d’herbe et de cèdre.

En plus de l’aspect artistique très authentique de cette technique, elle est également utilisée pour lui donner une teinte brillante et vive, et le préserver des effets de la lumière et de l’humidité.

L’incrustation du bois

L’incrustation du bois est un art qui repose sur l’insertion de fragments, de morceaux de bois ou d’os dans le bois, afin d’obtenir une belle mosaïque. Il est courant à Fès, Essaouira et Taghzout et utilisé pour décorer des meubles en bois et d’autres antiquités telles que des boîtes à bijoux, des bancs, des échecs et des objets cadeaux.

Pour réaliser une œuvre avec la technique de l’incrustation du bois, plusieurs matériaux sont sollicités. Du bois précieux, comme le citron, l’ébène, le genévrier ou le noyer qui requiert une compétence supérieure et une haute technologie pour le maîtriser. Parfois, le travail se fait au microscope pour une précision extrême !

Les incrustations dépendent des différentes couleurs de bois pour réaliser de beaux objets. Du bois local est employé tel que le cèdre, le pin, l’abricot, le citron et l’orange et d’autres matériaux importés tels que l’acajou et l’ébène et d’autres plus rares comme l’ivoire et les coquillages.

Bois de thuya

Dans les maisons des riches au Maroc, les tapis faits main sont généralement associés à des meubles incrustés et à d’autres, fabriqués en bois de thuya, connu pour sa solidité et durabilité. Essaouira, célèbre pour ses parquets, est le lieu de fabrication de nombre de ces charmants meubles, bureaux, tables de toutes sortes, coffres et boîtes à bijoux.

Les artisans qualifiés de la ville polissent le thuya dur pour lui donner une finition satinée, puis l’incrustent de cèdre, de bois de citronnier, d’ébène, de nacre et d’argent avec des motifs floraux et géométriques pour ressortir les subtilités du bois de thuya.

C’est un bois très précieux, utilisé principalement pour fabriquer des objets de décoration. Pour réaliser ces chefs-d’œuvre, seule la racine de l’arbre thuya est utilisée, ce qui limite les possibilités de créer de gros objets. C’est un bois très convoité, ce qui a malheureusement poussé plusieurs trafiquants à surexploiter les forêts de Thuya à Essaouira.

Des spécificités régionales marquées

Le travail du bois est omniprésent à travers le Maroc, mais avec des spécificités régionales. Fès, Tétouan, Salé et Meknès sont des villes renommées pour la peinture sur bois appelée » Zouak » et pour le moucharabieh. Un travail d’une grande précision où des pièces de bois tournées sont assemblées pour former des ensembles géométriques d’une grande finesse. À Fès, les artisans sont bien connus pour leur habileté à décorer tous types de structures avec du bois de cèdre, qui est abondant dans les forêts avoisinantes. Les plafonds, les portes et les fenêtres sont rendus attrayants par la technique de la peinture sur bois et un type de décoration dominé par des figures géométriques.

Outre la peinture et la sculpture, la marqueterie et les incrustations sur bois de différentes essences (citronnier, chêne, bois exotique et parfois de nacre) sont également des spécialités marocaines. Elles ont fait la réputation de la ville d’Essaouira et les objets issus de ce travail sont toujours très prisés par les touristes. Essaouira est connue pour l’utilisation du bois de thuya. C’est un arbre que l’on ne trouve que sur la côte sud, et les locaux en font bon usage depuis des siècles.

Le riz forestier était le plus utilisé en architecture, notamment dans la fabrication de meubles dans la ville de Fès. Le choix de ce bois est dû à sa beauté et à sa non-rotation. Quant à l’arar, qui est également connu pour son odeur agréable, il est surtout utilisé dans les zones entourant les villes de Rabat et Essaouira.

Problèmes soulevés

Aujourd’hui, le travail du bois soulève quelques problèmes. Le thuya fournit l’essentiel du bois d’œuvre travaillé par les ébénistes. Or, c’est un matériau non renouvelable et les ressources locales sont en voie d’épuisement. À cela s’ajoute une utilisation anarchique par les artisans qui taillent de petites pièces dans une masse importante de bois, gaspillant ainsi une partie considérable de la matière première.

L’industrie du bois occupe une place importante dans l’artisanat, l’architecture marocaine et dans la fabrication de meubles. Les artisans marocains utilisent des techniques telles que la sculpture, la gravure, le poinçonnage, la découpe, l’ornementation, la peinture et l’incrustation, depuis les temps anciens. Cette industrie a conduit à la naissance de métiers spécialisés en ateliers ou coopératives telles que la menuiserie, la gravure sur bois, et la peinture sur bois. Dans les souks, des tourneurs sur bois réalisent devant les yeux des passants des pieds de table ou encore de flacons de khôl.

Mais l’expression la plus belle et la plus attrayante de l’art du bois se trouve dans les mosquées, les écoles coraniques et les palais royaux, comme elle se manifeste dans les portes et les plafonds dorés, qui portent des motifs finement décorés, dont la fabrication nécessite de grands efforts et une grande habileté.